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Le sexuellement correct

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Retour d’Amérique, vingt ans après : Chronique n° 2

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Je publie ici chaque quinzaine une chronique à propos d’anecdotes vécues aux États-Unis d’Amérique à la fin des années 80 et au début des années 90. Partant du principe que ce qui se passe aux États-Unis se retrouve ensuite en France , je m’attacherai à mettre en face de chaque anecdote, un événement similaire ou apparenté que j’ai vécu en France après mon retour d’Amérique. 
 Aujourd’hui le sexuellement correct.

10 heures. Dans le hall du département de langues étrangères d’une grande université, c’est l’heure de la pause. Chacun prend un café ; il y a là la plupart des professeurs (certains ne sont jamais là pour cause de conflit ouvert), les secrétaires, les assistants de langue venue de divers pays du monde, les étudiants de maîtrise ou doctorants. Parmi ceux-ci, une étudiante de maîtrise (Langue et Civilisation française), 35 ans environ, avec sa fille qui l’accompagne (7 ans). Cette dernière porte un tee-shirt un peu froissé et qui fait des plis de telle façon que je n’arrive pas à lire le sceau de l’université qui est imprimé dessus. Je m’agenouille alors devant elle en lui disant (en français, mais tout le monde a saisi le sens de mes paroles, y compris l’assistante chinoise) : « Qu’il est beau ton T-shirt ! » et j’accompagne le geste à la parole en lui tirant le tissu vers le bas ; je peux enfin lire l’inscription : « Université de Paris Sorbonne ». C’était un souvenir ramené de Paris l’été précédant cet incident.

Je sens alors dans l’atmosphère, à ce moment précis, un vent glacial de désapprobation muette. Il s’agit bien sûr d’un cas typique de « sexual harassment » ; de ce harcèlement sexuel qui est pourchassé sans relâche à tous les étages de la société, avec l’exemple classique du professeur d’université qui n’a pas le droit de recevoir ses étudiantes dans son bureau en laissant la porte fermée.

La petite fille est interloquée ; seule la mère esquisse un sourire approbateur : je suis Français bien sûr,  il ne faut pas voir le mal partout. Elle ne s’est pas privée d’ailleurs de m’inviter plus tard à des séances de Square dance (au Québec : Danse carrée) ; c’est dire si les relations étaient cordiales.

Vingt années plus tard j’ai pu constater, par exemple, en particulier dans les lycées, que les plaisanteries à connotation érotique, pourtant caractéristiques d’un certain esprit français, n’y sont plus admises. Dans les années 70, c’est-à-dire avant mon départ pour l’Amérique, la liberté de ton dans les classes était notoirement plus élastique. Combien de collègues ont dû subir les foudres de leur hiérarchie après que des parents d’élèves furieux se sont manifestés auprès de l’Administration. J’ai bien sûr quelques anecdotes à rapporter à ce sujet, mais la proximité temporelle et géographique ne m’incite guère à les transposer ici. Là où n’importe quel Américain qui pourrait lire cet article manifesterait une indulgence bienveillante  et montrerait sa curiosité pour les différences interculturelles, un Français de 2014, contrairement à celui de 1994, qu’il soit journaliste, fonctionnaire d’autorité ou responsable associatif, sera culturellement plus enclin à dénoncer le faux pas, l’écart par rapport à la norme.

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